Nous trouvions facilement des lieux de camping: Un pré près d’un hameau, une aire de jeux, une petite place dans le bosquet d’un particulier - en général, c’est vers midi que j’ai pu monter la tente. La marche dans le paysage de plus en plus ouvert aurait pu être un pur bonheur sans cette énorme chaleur. En général, vers 7 heures, il fait déjà 24 degré. Puis, le thermomètre monte tous des quart-d’heures d’un moins deux degrés.
Vue depuis ma place de camping sur la petite aire de jeux à Cardini
Enfin, nous nous approchions de Deivi Marina. J’ avais choisi cette petite ville de la côte pour m’y faire envoyer une ou deux bricoles en poste restante. Sur Google maps, le lieu me paraissait d’une taille convenable : Assez grand pour héberger un bureau de poste ouvert pour plus d’une demi-heure la semaine et tout de même assez petit pour conserver une ambiance rurale.
La vue du haut des montagnes me rappela en mémoire que Gogle maps ne représente pas forcément la réalité. La zone était bien plus urbaine que prévu et les montagnes qui assiègent le lieu comme les murs d’une forteresse sont d’une raideur aiguë.
Je serais bien restée sur la route de la crête pour continuer vers le sud, laissant Deivi de côté - mais il fallait récupérer l’envoi postal.
Une fois arrivée en bas, la révélation : Je ne me trouvais pas à Deivi, mais dans le patelin voisin : à Moneglia
“Pour aller à Deivi, il faut traverser un horrible tunnel, trop dangereux pour l’âne et de toute manière, interdit aux piétons”, me disait une dame.
Alors que faire? La petite foule qui m’entourait avait vite trouvé la solution :” Vous pouvez camper sur mon pré, et on vous amène à Deivi en voiture”
Une proposition généreuse et très alléchante. Marché vu, marché conclu, trente-six fesses font 18...” enfin, vous savez.
Je prenais Gamin pour suivre la propriétaire du pré. Celui-ci se trouvait caché à l’arrière d’un petit bosquet, accessible par un étroit chemin et un petit pont.
Et voilà que du coup, Gamin joue la bourrique têtue : il bloque.
Pas moyen de le faire traverser le pont. Je m’enèrve. Cet âne a pourtant franchi des obstacles bien pires! Je tire sur son licol, mais il se met à ruer. Refus total.
Je demande si il y a un autre chemin d’accès sur ce pré. Eh non ! Aucun.
Notre lieu de camping s’évapore parce que cet âne de Satan refuse de faire les deux mètres de plaques-grillage qui forment le sol du pont.
Je rappelle aux chers lecteurs qu’on a passé le grand pont du Var et le Barrage d’Arras ! On a traversé le col de Rousset sur le Vercors et on a fait l’Alta Via version brutale. Et voilà que le baudet se dégonfle devant ce petit truc de rien du tout ?
Je n’en revenais pas.
On revient sur la rue. Je demande à la dame qui m’a proposé de m’emener à Deiva, si elle peut toujours le faire, pendant que j’attache Gamin quelque part. Ainsi au moins, j’aurai récupéré mon paquet et pour le camp de nuit, on verra après. Elle est d’accord.
D’abord on essaie d’attacher Gamin à un arbre en bas d’un talus, mais là encore, il refuse d’ y aller. Alors on finit par l’attacher à une clôture de fer près d’une maison inhabitée. (heureusement)
En voiture, je m’aperçois que ledit tunnel est vraiment un cauchemar claustrophobe ; étroit, à sens unique, avec des parois en rocher brut, la chaussée pleine de trous. Si vous connaissez le Tunnel de Sainte Marie aux Mynes en Lorraine - voilà, c’est ça, mais en pire...
Arrivées sur les lieux du bureau de poste à Deiva, c’est une autre mauvaise surprise qui nous attend : L bureau de poste est fermé pour cause de travaux. Le “service” est assuré par un guichet-bus. Au moins 15 personnes attendent leur tour. Et au guichet, on est pas pressée. Parlotte privée, comme si il n’ y avait aucune file.
La dame qui a fait mon chauffeur n’a pas éternellement le temps. Elle doit aller chercher son mari à la gare qui revient de l’hôpital. Comme je vois bien que je ne passerai pas avant au moins une heure, je résigne. Je rentre avec elle à Moneglia, sans récupérer de paquet. Un tour pour rien.
Revenue sur les lieux où on a attaché Gamin, une autre mauvaise surprise : l’âne est totalement débâté, mes affaires gisent sur le sol. Un monsieur explique : “On a du le faire, car il avait paniqué et il a démoli la clôture. En effet: La barre de fer est arrachée. Encore une fois: Je reste bouche ouverte devant cet âne que je ne reconnais plus. Pendant que je le rebâte, on me conseille de remonter la montagne pour camper près de la petite église de San Lorenzo.
Bien, très bien. Le plus vite qu’on sera sorti de la ville, mieux ça vaudra.
Je quitte avec la mauvaise sensation que ceci fut mon premier jour de malchance prononcé. Rien que des échecs, rien que des emm...
Bon, il fallait bien que ça arrive en cours de route, mais j’ai quand même peur. : Aldo m’aurait-il laissé tomber ? Qu'ais je fait pour le contrarier ?
Nous arrivons sur la crête et je m’installe dans un petit bois d’oliviers. Le terrain n’est pas très plat. Je vais dormir comme sur le Titanic cette nuit, mais tant pis.
La tente plantée, je me rends près de l’église pour m’asseoir sur un petit banc afin d’y dessiner un peu et travailler sur l’ordi. C’est alors qu’une voiture s’arrête et deux personnes, une femme et un homme descendent.
“Il est à vois vous le petit âne dans le bois?”
Je sursaute. Ce doivent être les propriétaires du terrain et ils viennent pour me chasser...m’envoyer les carabinieri au cul. Manquait plus que ça, c’est vraiment une journée pourrie !
Mais non...Les deux personnes se présentent à moi comme étant des habitants du coin. “Les gens de la ville m’ont apellé pour me faire part de votre existence et de me demander de voir si vous et l’âne allez bien” m’explique la dame. Et “J’ai aussi des chevaux. Vous pouvez venir camper chez nous.”
On parle, on discute. Paola regarde les pieds de Gamin, malatrîtés par les taons. Je lui explique que normalement, une fois la tente dressée, je ne la démonte plus le même jour...Mais bon, si c’est pour rester un jour de plus, faire la journée de repos, alors là, c’est autre chose.
On déménage. Sur le magnifique domaine de Paola où résident ses chevaux et ses chiens. Et un âne.
Et un chat !
Son autre grande passion est la protection d’une harde de chevaux sauvages qui vit dans un coin perdu de la Ligurie. Avec ses amis, elle lutte pour que le conseil régional de la Ligurie reconnaisse cette harde en tant que patrimoine naturel local.
Voir la Pétition
Elle organise égalment des excursions de “horse watching” dans l’Avetro, permettant aux visiteurs d’aller observer ces chevaux dans leur vie en liberté.
Piscine,chambre Vue enchantée sur la mer - je commence comprendre pourquoi Gamin a bloqué devat le pont. Il s’est peut être dit: “Pourquoi aller camper dans la m.. Alors qu’on pourrait avoir la vie de château?” ;)
Vue de la terrasse
Le lendemain, Paola et Ricardo m’emènent à la plage, au restaurant. Un bain dans la mer, une glace - c’est toujours tout mon bonheur. “Aujourd’hui, tu es notre invitée et tu auras tout ce que tu veux” m’ont ils dit. Rien que cette phrase fut déjà la réalisation de tous les vœux. Une journée de bonheur et de légerté, dont le souvenir restera à jamais une source de force en moi.
La Ligurie m’aura tout donnée: La dureté impitoyable de ses chemins de montagne mais aussi la générosité de ses habitants. Des jours de lutte et des jours de douceur. Un pays incomparable.
salut diana !
RépondreSupprimeril est génial ce gamin ! grâce a l''entêtement de la bourrique , encore une rencontres pleine de (richesses) humaine et de de repos tant mérité !
le dernier dessin que tu as publié est très explicite! dis toi bien que: tant qu'il y aura ce genre de bestiole autour de ta tente, les brigands ne pourront pas t'approcher et n'ont qu'a bien se tenir !
didier
Oui - en fait, ce qui s'était annoncé comme un jour de malchance était en fait un grand jour de chance. Comme quoi il faut toujours garder confiance.
SupprimerPour les bestioles en montagne : Même si au début on a un peu la trouille, après, ça va. Et de toute façon, ce e sont pas les bêtes qi sont dangereuses, c''est l'homme!