lundi 31 août 2015

La tombe d'Aldo Moro



Vue de l'Ariturismo, le soir de l'arrivée.

Lors de mon arrivée à Torrita Tiberina samedi après-midi, il n’était pas question d’entrer sur le cimetière. On ne va pas rencontrer un vieux monsieur distingué quand on est habillée comme un épouvantail, pleine de poussière et de sueur, les cheveux crasseux.

En cours de route, je m’étais acheté une robe pour cette occasion. Elle a voyagé dans mes bagages sur Gamin, en attendant le grand jour.

Dimanche matin, ce grand moment était donc venu. Le petit sentier qui mène de l’agriturismo au cimetière est très court.

Sur le cimetière, les tombes du genre catacombe dominent. Courant pour les méridionaux, mais inhabituels pour nous autres Européens du continent central.



Le cimetière de Torrita Tiberina.
Des escaliers mobiles sont à disposition pour accéder aux tombes des rangées supérieures.

Je n’avais pas à chercher...Je suivais mon intuition. A gauche, puis vers le bas...une file de tombaux-cryptes. Tous aussi somptueux et brillants les uns que les autres...des Mini-Villas pour les défunts.


L'entrée d'une banque ? Non. Un tombeau familial


Autre tombeau. La chambre funèbre somptueuse n'a rien à envier à une véritable chapelle.

Je sais que ça ne peut pas.... alors je vais plus loin et, là, à l’angle ;  la dernière crypte, elle est différente. Même très différente... Et si c’est?...



Tout au fond, la dernière crypte...

Oui, c’est lui. Je me trouve face au tombeau d’Aldo Moro. 
Après 1800 kilomètres de montagnes, vallées, plaines, de la pluie et la chaleur torride - me voici devant la tombe d’Aldo Moro.


La petite plaque avec la photo sur l'autel rappelle qu'Eleonora Moro est également enterrée ici.

Je connaissais déjà l'apparence de la sépulture, ayant vu de photos et on m’avait prévenu à la veille que la tombe “est bien modeste et simple” -  mais là, ça me bouche un coin.

Dans la chambre funèbre, un sarcophage blanc avec le nom. Pas de croix, même pas les dates de vie. Au pied du sarcophage, une petite pierre peinte avec des tournesols et une  plaque renversée. Dessus, un ange en céramique. C’est tout. Le lierre pénètre par la fenêtre derrière dans la pièce.

C’est pourtant un ancien homme d’état qui repose ici !
Un homme qui lors de son règne s’est retrouvé dans l’éteau de la guerre froide. Il a côtoyé soviétiques et américains et il a tenté de défendre les intérêts de son peuple face aux calculs stratégiques des grandes puissances.
C’est de l’histoire, de la grande histoire  !



La petite pierre peinte avec des tournesol...Elle vaut tous les ornements en or du monde.

Mais Aldo Moro ne fait pas partie de la communauté des propriétaires de mausolées monumentales et autres ayants-droits au panthéon. Il est vraiment devenu ce “roi oublié qui dort dans la forêt enchantée des ronces.
Je mets mon dessin au pas du portail de la crypte. Il avait été réalisé à Harsault et je l’ai transporté 1800 kilomètres jusqu’ici.  Un autre petit objet sans valeur matérielle, mais rempli d’amour vient s’ajouter à la modestie du sanctuaire.



Je m’assis auprès de la tombe. Je cherche “la paix” qui y régnerait. Mais je ne la trouve pas.

Le sarcophage est un cri de douleur pétrifié.

La simplicité de la tombe est une accusation. Un défi. Son message :  Ce n’est pas un “personnage historique” qui repose ici, et pas un “symbole politique”. Non, c’est être humain. Un être qui voulait vivre, qui voulait rentrer chez lui.
Les premières larmes me montent aux yeux. Je revois ses lettres écrites lors de sa séquestration, je ressens la douleur, l’angoisse et l’émotion.
Et la réponse à toutes ces lettres, sa lutte pour la vie :  Un sarcophage.

Je n’en peux plus. Je pleure. Un “les hommes sont des ordures” m'échappe.

Je suis profondément désespérée :  je peux écrire,  dessiner, je peux venir à pied jusqu’ici, mais je ne peux pas retourner dans le temps pour aller l’aider. C’est pourtant ce que je voudrais faire, plus que tout autre chose.

Et alors vint la vision, la transe, le rêve éveille.



Je reste encore un peu, jusqu’à ce que je sens Aldo me dire : “Viens, on rentre”.

Ici, il y a des gens qui ont connu Aldo, qui furent même des amis très, très proches. On me parle de lui. Avec beaucoup de tendresse, mais aussi, avec beaucoup de douleur. Aldo a toujours écouté les autres, me dit-on. Pendant des heures, Il restait attentif, cherchait à comprendre.Et il n’a pas toujours tout compris, comme il l’avouait souvent, mais il n'a jamais cessé d’écouter.

L’image que j’avais de lui se trouve confirmé par les souvenirs de ceux qui l’ont connu. Ces récits ainsi que la tombe -  si différente des autres - me montrent que je n’ai pas suivi les traces d’une pure projection personnelle. Cet Aldo que j’ai ressenti, il existe bien.

C’est beau, c’est même inestimable, mais en même temps, c’est son drame qui lui aussi, devient encore plus réel.

Je revois l’image de son corps dans le coffre de la voiture ; amaigri, le visage à moitié découvert où est gravé tout son épuisement, sa solitude, sa souffrance. Cette image est insupportablement cruelle. Il y a toute la tristesse du monde dans ces yeux éteints.

Il a écouté les autres, mais lui n’a pas été écouté. On l’a tout simplement laissé crever misérablement.

Dans un monde où une telle bestialité est possible, il ne faut pas s’étonner qu’il y a des guerres, de l'oppression, des attentats et des massacres.
En 1978 comme aujourd’hui, nous vivons dans un monde qui célèbre la violence et la haine.

C'est très bien qu'Aldo soit caché ici, au bout du monde dans sa tombe discrète, protégé par les Torritiens, qui veillent avec respect et amour sur lui.


TORRITA TIBERINA

Torrita Tiberina...Aldo, la fin de la première partie du pèlerinage.

Mais commençons par le début.

Nous quittions donc Gradoli en faisant le tour (la moitié) du lac de Bolsena. Un autre centre équestre, situé près de Montefiascone, était prêt à nous accueillir et cela nous faisait donc une bonne trotte de 20 kilomètres, en passant par la petite cité de Marta, où je me trouvais confrontée avec une vague de gentillesse et de générosité de la part des habitants et des touristes.

(Décidement: le lac de Bolséna est un lieu très positif.)

Je fis aussi la rencontre d’une jeune femme, Chiara, gérante d’une ferme pédagogique à Viterbo. Elle m’invita à venir chez elle après mon séjour à Montefiascone. Les nuitées jusqu’à Viterbo étaient donc assurées. Même plus loin, puisque à Canepina, une amie de Chiara nous logea à son tour sur son terrain.


L’avancée dans le Latium était facile. Oubliées les durs journées dans les collines de la Toscane. Le grand but, Torrita Tiberina, approcha!

Torrita Tiberina! Aldo!

C’est à Fabrica di Roma, où nous avions trouvé refuge chez un particulier que je me rendais compte que mon arrivée et mon séjour à Torrita Tiberina coïncidera avec la pleine lune.


La dernière pleine lune avant mon 50 anniversaire.
La dernière lune de l’été de ma vie.
Cette lune là, je la partagerai avec Aldo. 
Lui m’accompagnera vers l’automne, vers Septembre.


Je pris conscience que tout se fait en temps juste et à la bonne place. Il n’y a pas de “retard” dans mon pèlerinage, ni de l’avance. Tout est harmonieux.

Après Fabrica di Roma, c’est au bord de la rivière près de Civita Castellana que nous campions. J’étais déjà bien excitée, car demain, oui, demain sera l’étape finale pour Torrita Tiberina.

Une assez grosse étape de 24 kilomètres, qu’on aurait pu couper en deux, certes, mais j’avais vraiment trop hâte d’ arriver à Torrita. L’apell d’Aldo était devenu si fort, si puissant que je le sentais physiqument.



Gamin sur la route vers Torrita Tiberina

De beaux chemins de terre majoritairement, côtoyés par des mûres sauvages que je goûtais à tous les dix mètres. Mais dont les ronces nous griffaient aussi impitoyablement, Gamin et moi. Plus j’approchais Torrita, plus j’avais l’impression de pénétrer pour de vrai, cette forêt de ronces mythique qui garderait le sommeil de mon roi oublié.

Sur les derniers kilomètres, un mal au pieds fou me tortura. Je n'en pouvais plus.


Les derniers kilomètres, le long du Tévère. Un paysage parfois comme issue d'une carte de Tarot.

Des pensées très noires  m’obsèdaient ; des rafales de nihilisme, des tentatives de chantage du genre “Aldo, tu m’aides tout de suite ou alors c’est la preuve que tu te fous totalement de moi” - rien ne fut trop bas et trop minable en ce moment de lutte contre la fatigue, le mal physique et moral.

Enfin j’atteignais les premières maisons. Une dame me salua et m’offrit une bouteille d’eau froide. Elle me proposa tout de suite de camper chez elle - Ah, si j’avais su que c’était si facile de trouver un abri  à Torrita! Eh bien, j’avais réservé un Agriturismo un an à l’avance et je devais bien entendu, m’y rendre.
Mais toujours est-il que ce premier contact chaleureux me donna la force pour accomplir la dernière grimpette vers Torrita. Car j'avais éte sur le point de cesser de croire en l’existence de Torrita en général et de l’Agriturismo en particulier.  Vint  alors vers nous une voiture, dans la quelle se trouva le père du gérant de ledit Agriturismo.


La Porte qui mène au cimetière..

.Il est difficile de décrire mes sentiments, quand je me trouvais face à cette allée qui mène droit au cimetière. Derrière, à pas plus de cent mètres, se trouve l’agriturismo. La pancarte rouge que l'on devine sur la photo indique le sentier à droite, pur s'y rendre.
 J’allais donc habiter pratiquement à côté d’Aldo!

samedi 29 août 2015

Gradoli

Après la traversée de la montagne Amiata, le paysage changea visiblement: Plus vert, plus boisé, une végétation presque centre-Européenne. Fini les collines vides de la Toscane. Le Latium n’était plus très loin. Et en effet, après avoir passé une nuit chez le centre équestre Belvedere près de Sorano, nous traversâmes la frontière entre la Toscane et le Latium - en route pour Gradoli!


Le Belvedere. Superbe club équestre accueillant. L'esprit cavalier toujours aussi vivant.

Gradoli est la première cité au programme du voyage, ayant un rapport propre avec Aldo Moro. Donc un lieu à ne pas rater.
Gradoli, C’est une histoire oubliée. - même les Italiens ne la connaissent souvent pas.

Come toujours dans le drame d’Aldo, les choses ne sont pas très claires : Mais apparament, Romano Prodi, qui plus tard deviendra président de la Commission Européenne, se serait rendu à une...enfin, une séance spiritiste.
Ceci dans l’espoir de trouver ainsi le lieu de captivité de Moro. Au cours de cette séance: Le nom de GRADOLI est évoqué.



A l'approche de Gradoli, le lac de Bolsena s'étend au loin.

Prodi suggèra alors de chercher dans une Via Gradoli à Rome. Mais Francessco Cossiga, le ministre de l’intérieur, prétendit qu’aucune rue de ce nom n’existe dans la capitale. Un mensonge pur et simple.
“Mais il y a ce village nomé Gradoli”, disait-il. “Alors dans le souci de tout essayer, on va aller chercher là-bas”
Gradoli le village, a donc eu droit à une Razzia en ces jours de printemps de l’an 1978. Le patelin fut passé au peigne fin. Bien entendu, aucune trace d’Aldo ne fut trouvée.

Et pendant ce temps, à Rome, à la Via Gradoli, s’y trouve l’appartement de Mario Moretti, chef des Brigades Rouges, qui plus tard, sera l’assassin d’Aldo.

Incompétence infinie ou alors une manouevre louche pour détourner l’attention publique ? Beaucoup d’indices parlent en faveur de la dernière version.



Le lac de Bolsena au crépuscule. Un instant de magie.

Donc Gradoli, la petite bourgade au nom si joli qui surplombe le lac de Bolsena... Gradoli, nous voici!
La route vers Gradoli mène à travers des forêts de chênes, châtaignes et des figuiers. Un paysage étrangement familier et exotique à la fois. Je me sens légère, enchantée. Mêùe Gamin est toujours en pleine forme, alors qu’on a tout de même fait 20 bornes.

Nous traversons Gradoli pour descendre au lac de Bolsena, où e trouve un camping. Le Camping La Grata. Je l’avais réservé une année à l’avance, parce que tout comme Torrita Tiberina et Maglie, Gradoli est un lieu où je ne voudrais passer un séjour sans avoir à chercher un refuge.


Le coeur de Gradoli, avec le Palazzo

A notre arrivée, les autres campeurs se précipitaient sur nous, nous applaudissant et en nos souhaitant la bienvenue. Apparament, Giulia la gérante, les avait avertis au préalable de notre venue.
Quelle convivialité, quelle joie! Et un lieu absolument superbe!

Le lendemain, Giulia m’emenait à Gradoli pour que je puisse y faire des courses, mais aussi pour me montrer la ville. Elle a une mère autrichienne, est donc parfaitement bilingue allemand-italien, et bien entendu, elle est née à Gradoli.

Dans le magasin où je fouille les cartes postales, deux dames se souviennt bien du temps de la “visite d’état” à Gradoli. “Ils ont fouillé moin terrain, ils étaient partout”. Mes raconntent elles. Giulia leur explique le pourquoi de mon voyage. Elles sont si émues qu’elles m’offrent les cartes postales que j’ai choisies.



Les ruelles de Gradoli

Je suis absolument décidée de revenir à Gradoli et le Camping LaGrata, rien que pour passer des vacances “normales”.

jeudi 27 août 2015

Le clou

***Gros retard dans la mise à jour de ce blog. Principalment dû au manque de réseau internet suffisant. Actuellement je me trouve dans le Latium, mes faits racontés ci-bas datent de déjà bien des jours.***


Dès 2 kilomètres, environ, Gamin se mit à traîner et à boîter. Je vérifiais son pansement. Il allait bien - mais sur le sabot de l’antérieur opposé...une grosse tâche de sang! Et ce coup ci, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une éclaboussure venant de l’autre côté. Ce sang, il sortait du sabot, plus précisément de sous le fer.    

Imaginez l’horreur de cette découverte, alors qu’on venait juste de quitter la vétérinaire, croyant que tout était ok, que tout allait bien.

Je me félicitais encore une fois d’avoir pris soin de nous trouver un abri au préalable. Au moins, il nous fallait pas chercher un coin de bivouac sous la chaleur. Encore 1 kilomètre et nous serions en sécurité. Il fallait donc tenir jusqu’à là.

Il est difficile de dire à un âne au pied baigné de sang qu’il doit “tenir”. Gamin traînait, faisant des pas bancals, écartés, la tête basse, les yeux plein de souffrance. Cela me brisait le coeur. Les derniers 500 mètres furent un calvaire.

Enfin, nous arrivions à l’Agriturismo. Cristina, la gérante, nous accueilla souriante. Je crois que je n’ai presque pas dit bonjour, je l’ai toute de suite assaillie avec des cris :  “Appelez un vétérinaire!” et “Appelez un maréchal ferrant!”



Cristina a immédiatement réagi et s’est mise à téléphoner. Pendant ce temps, je débâtais Gamin et on l’amèna dans l’écurie. A l’abri de la chaleur.

Ni les vétérinaires, ni les maréchaux ferrants pullulent dans la région. Il est donc très difficile d’avoir ces intervenants sur place, dans un délai utile.
Cristina avait réussi à faire venir un ancien vétérinaire en pension qui au moins, avait été spécialisé sur les grosses bêtes de ferme.

Il contrôla les pieds de Gamin. La blessure qu’avait soigné la véto de San Quirico lui parut superficielle, il attesta un bon pansement et me disait que ce souci là allait s’arranger très vite.
Quand au sabot de l’autre côté, il était formel: il faut enlever le fer, pour voir ce qu’il y a en dessous. Un abcès? Ou alors un clou mal plaçé...

Cela peut surprendre. En effet, si le ferrage effectué au manège de Pietrasanta avait été mal fait, Gamin aurait dû boiter dès le début. Mais ce n’est que depuis une petite semaine que j’ai constaté les premières tâches de sang sur ce sabot.

Le maréchal ferrant venait le lendemain. Il retira le fer et constata qu’il s’agissait bel et bien d’un clou “dans le vif”.  Sans doute, ce ne fut que “limite” comme quoi Gamin a pu faire pas mal de kilomètres avant que le clou mal placé se plia et commença a faire ravage dans le sabot.
Le clou d’horreur fut enelvé sans remplacement et en collaboration avec le vétérinaire, on me prépara des sereinges d’antibiotiques à administrer à l’âne pendant cinq jours consécutifs. Et bien entendu: 4 Jours de repos strict.

Heureusement, l’Agriturismo me fit un excellent prix “spécial de soutien” et le véto  renonça carrément à son honoraire. Le reste fut atténue par des dons de divers amis. Donc au moins, de ce côté là, plus de soucis.
Gamin reprit très vite des forces. Ls jours de repos ainsi que les soins lui firent du bien.

Vint le moment du départ. Gamin avança bien les deux jours suivants. Mais au troisième jour... il y avait du nouveau du sang sur son sabot.

Je crois que ce fut la première fois que je commençais à avoir des doutes si vraiment, on ira au bout de ce pèlerinage. Je ne peux pas aller dans les Pouilles avec un âne qui saigne du sabot.
Heureusement, un kilomètre plus loin : un Agriturismo. Il était plein, pas de chambre, pas de place pour la tente non plus -  mais on y téléphona à un centre équestre plus loin qui eux, vinrent nous chercher avec un van!

Malgré cette gentilesse, cette aide rapide, j’avais le moral à zéro. Giulio, le chef du centre équestre, fit tout pour me reconforter. “Tu es ici à une très bonne place. On connaît les équidés et nous avons un excellent maréchal ferrant, un maître dans son métier. Il ferre les chevaux de course à Sienne.”


Le maréchal ferrant prenait beaucoup de temps et de soin pour examiner Gamin. Il retira les deux fers de devant, les ajusta un peu mais me disait : “Votre âne n’a pas de problème de fer. Il n’y a pas inflammation, pas de blessure. Le sang provient de la blessure superficielle du pied opposé. C’est le pansement qui a dû glisser et alors le sang s’est remis à couler et à éclabousser vers l’autre côté.

Il n’y avait rien à faire. Je devais faire confiance à ce verdict. Le maréchal ferrant lui aussi renonça à son honoraire et me souhaita bon voyage.


Jes jours suivants, Gamin ne saigna plus - sauf si le pansement de l’autre pied était endommagé. Je pense donc avoir finalement cerné le problème.

jeudi 13 août 2015

La ruée vers la Toscane, PART 2


Les Villas éparses sur les vastes collines de la Toscane sont belles à voir, mais ce sont majoritairement des forteresses hostiles. 

Très souvent, elles ne sont pas habitées par des Italiens, mais par des étrangers à gros sou, venus d’un peu partout et qui ne souhaitent aucun contact avec les autochtones -  encore moins avec une pèlerine franco-allemande et son équipage asino-spirituel. 

En Ligurie, on pouvait être à peu près sûrs d’être “sauvés”, dès qu'apparurent les premières maisons après une grosse étape de montagne sauvage. 
Ici, dans dans les collines du désert herbeux, on n’hésitera pas à vous envoyer “d’aller voir plus loin”, fusse-t-il midi, sous 40 degré de chaleur, tout en sachant bien que les prochaines habitations sont à plusieurs kilomètres.


Des forêts sont de plus en plus rares.

Trois jeunes français dans une villa étaient au mois prêts de nous donner un peu d’eau. Ils ont fait des exercices de gymnastique impressionnants afin de pouvoir passer les bouteilles par-dessus du portail d’acier, sans avoir à ouvrir ce dernier.

Je l’ai déjà dit : A force “d’aller voir plus loin”, nous avons fini par faire, chaque jour, beaucoup plus de kilomètres que prévu. Bon, au moins comme ça, on avance, me suis-je dit. Mais à quel prix ?


Les "Azienda agricole con vendita diretta" sont par contre de
très bonnes adresses: Ouvert au public, on vous trouvera toujours un petit coin.

Le nuage de taons qui avait attaqué Gamin sur l’Alta Via pendant plusieurs jours, le torturant jusqu’au sang, avait laissé des blessures très moches sur ses talons et autour de ses sabots.  
Sous l’effort et la chaleur, les mouches ajoutaient leur présence abjecte à la souffrance. Les blessures s‘agravaient sans cesse. Je soignais les plaies avec de la bétadine et des pansements improvisés. Mais la plus grosse plaie sur l’antérieur droit se remit à saigner, dès que nous étions en marche.

En plus de cette plaie, je remarquais un peu de sang sur le sabot de l’autre antérieur, celui de gauche. Comme il n’y avait pas de plaie visible, je pensais qu’il s’agissait du sang du pied opposé qui aurait été projeté en marche sur le sabot.


"Via A. Moro" Je pense que le "A." c'est pour "Aldo".


Nous nous approchions de San Quirico quand la blessure de l’antérieur droit se remit à saigner avec tant de force que je décidais qu’il état temps de consulter un vétérinaire. Je ne me voyais plus en mesure de gérer ça toute seule. Je demandais à la première passante si il y avait un véto dans la ville. 
Oui! Quelle chance! 

Mais en voyage comme à la maison, ce genre d’urgence arrive toujours un dimanche. Le cabinet était évidement fermé. Il fallait donc passer la nuit à San Quirico.

A San Quirico, il y a un refuge d’étape pour les pèlerins qui cheminent sur la Via Francigena. J’avais déjà passé deux nuits dans celui de l’étape précédente, à Ponte d’Arbia, où on m’ avait permis de planter la tente. Le refuge de Ponte d’Arbia est un centre culturel très accueillant et chaleureux. 




 Dans le bureau d'une ferme abandonnée...

Cela ne va pas de soi : 
Nombre de ces gîtes officiels requirent “la Credenziale” - une sorte  de passeport pour Pèlerins  - dans le quel sont collectionnés les tampons des étapes. 

C’est la preuve qu’on est un “vrai” pèlerin et pas un randonneur lambda sans scrupules qui abuserait de ce service. 

Elle a fait 1500 Kilomètres pour notre Aldo Moro avec son âne, vous appelez ça un abus ? ” s’était indigné un gentil Monsieur qui avait été témoin du refus de la part du gîte situé à Monterrigioni. Refus qui nous contraignait à faire encore 5 Kilomètres sous la canicule, avant de trouver refuge chez des particuliers.



Ledits particuliers sont les propriétaires de BIPPO, un chaton que je prendrai avec moi sur la voie du retour. Le voici en train de piller mes réserves de thon.

Eh bien à San Quirico, pèleriner sans document officiel et pour Aldo Moro, est également considéré comme étant un abus.

Petite parenthèse : 
Je me demande si les “autorités religieuses” savent combien de pèlerins porteurs de la credenziale sont en vérité des athées convaincus. Personnellement, j’en connais plus d’un. Rien à dire contre eux, c’est juste pour cerner la définition d’ “abus” dans ce contexte. 

Comme souvent, c’est l’apparence extérieure qui compte et pas la vérité intérieure. Aldo et moi, avons tous les deux, chacun de notre côté, beaucoup expérience en la matière. On a donc appris à prendre les choses avec philosophie.



L'Orcia

Deux agents de la Polizia Provinciale apparurent et ce fut une occasion à ne pas rater. La police nous a toujours aidé. Je me précipitais vers eux pour exposer mon problème. Ils finirent par me conduire sur un espace de loisir et m’accordaient la permission exceptionnelle d’y planter la tente, pour une nuit. 

Plus tard, l’épouse d’un des policiers est venue me voir pour demander si j’avais besoin de quelque chose. Je lui faisais alors part de mon dilemme : Il faudrait que j’aille faire des courses mais j’hésite à laisser l’âne et les bagages sans surveillance

La solution fut vite trouvée ! Madame faisait venir sa mère pour monter la garde près de mes effectifs et pendant ce temps, elle m’emenait au supermarché en voiture. 
Encore un grand coup de gentillesse ! 

Le lendemain, je rebâtais Gamin et on se mettait en place devant le cabinet vétérinaire pour être les premiers lors l’ouverture à 10:00 heures.


Gamin attend devant le véto

La vétérinaire était à l’heure. Elle désinfecta la plaie, fit un pansement et me donna une crème ainsi que des pansements en réserve. 
Nous étions donc prêts à repartir. Mais voilà - il était déjà 10h30 et normalement, c’est vers 11h00 que je cherche notre quartier, afin d’échapper au pic de la canicule. 

C’est pour ça que à la veille, j’avais tout mis en oeuvre pour nous trouver un abri sûr et proche de San Quirico: Un Agritourismo à 3 kilomètres de la ville. D’abord, je leur avais écrit un mail et puis, faute de réponse, demandé à Paola, l’amie qui m’avait hébergé à San Lorenzo, de leur téléphoner.

Grace à l’aide de Paola, je savais donc où aller. Même sous la chaleur, trois kilomètres sont faisables, surtout si on a un but. Une petite promenade facile donc.
Une erreur...


mardi 11 août 2015

Ruée vers la Toscane, Part 1

Federica ne nous avait pas laissé partir sans s’assurer que nous aurons un quartier pour les deux prochaines nuits: Un chez une de ses amies et l’autre, plus loin, dans le centre équestre Ippomare. 

Ce dernier quand à lui, téléphonait  à un autre manège situé à Pietrasanta qui nous accueilla à son tour. Une grande écurie avec plus de vingt chevaux et des Bovins énormes.


Plus grand qu'un grand cheval! 

Marino, le propriétaire de cette écurie, me faisait remarquer que selon lui, les sabots de Gamin étaient pas mal usés. 

Ferrer ou non les équidés est un sujet très controversé dans le monde équestre. En général, on dit que les ânes n’ont pas besoin d’être ferrés, car la corne de leur sabots est plus dure que chez les chevaux. De plus, un âne avec des fers aura beaucoup plus de mal à “tenir” sur la roche et les pentes caillouteuses de la montagne. Il était donc tout à fait normal pour moi de partir avec Gamin pieds nus.

Mais après 3 mois de marche intense - avec beaucoup de goudron, il faut l’admettre - il fallait reviser la stratégie. Je consentais donc à faire venir le maréchal ferrant.

A ma connaissance, Gamin n’avait jamais été ferré auparavant. Je me doutais bien que cela n’allait pas être facile. Le maréchal ferrant ayant été par surcroît plutôt rustique dans la manière à traiter ses clients quadrupèdes, Gamin a passé une mauvaise heure. Et bien plus que ça, comme il allait s’avérer plus tard...

Après les premiers pas bancals et hésitants, l’âne retrouvait son équilibre et j’avais l’impression qu’il avançait même mieux avec ses godasses en ferraille.


En quittant Pietrasanta

Et c’est ainsi que nous nous enfoncions dans la Toscane. J’avais hâte de pénétrer dans un territoire moins montagneux, plus vaste. 
Les liguriens, adeptes de l’auto-critique, n’avaient pas cessé de me prédire ô combien le voyage sera plus facile en Toscane avec des gens “plus ouverts”, et “plus accueillants”. 

Au début, le paysage était plutôt une “Ligurie light” avec toujours des grimpettes méchantes.


Le charme toscan

Mais à fur et à mesure, le paysage s’ouvrit et en effet, l’avancée devint plus aisée. De nouvelles belles rencontres se faisiaent, comme chez cette famille qui avait fait apel à un journaliste pour qu’il crée l’article que vous avez vu dans l'avant-dernier post.


Et toujours: Le grand émoi quand je parle d’Aldo Moro et du but de mon pèlerinage. 

Étrange différence de perspective: Alors que pour moi, il est évident que le souvenir d’Aldo est bien plus présent en Italie qu’ailleurs, les italiens ont pour la grande majorité la sensation qu’il est oublié chez eux. D’où la reconnaissance et la gratitude envers mon projet. 
Cet oubli, “c’est l’indifférence” disent ils, mais aussi :” C’est un oubli forcé, volontiers.”. Plusieurs personnes m’ont raconté indépendamment que des enseignants refuseraient de traiter le sujet à l’école avec les paroles : “On ne parle pas d’Aldo Moro”.

Autre fait étonnant: Aldo est tout aussi apprécié par les personnes politiquement de gauche que celles du centre-conservateur. C’est avant tout l’être humain dont on se souvient. La politique, c’est trop loin dans le passé. 
Cependant, évoquer ses anciens “amis” du parti “DC” comme Andreotti ou Cossiga, permet d’apprendre un tas de nouveaux gros mots et autres titres de noblesse italiens ;-)



Vers la Toscane



Les grands espaces de la Toscane sont peu peuplés. Beaucoup de fermes vides et abandonnées, ou alors les villas closes télésurvéillés. Comme quoi chaque jour, nous avions du parcourir beaucoup plus de kilomètres que prévu pour trouver le lieu de bivouac.
Vint s’ajouter la canicule meurtière, surtout dans les zones de “desert”.  Ce sont des kilomètres et des kilomètres de collines avec rien d’autre que l’herbe rase et seche, du sable et des cailloux. Pas d’ombre, pas d’eau. Rien. 
Un avant-goût de la Basilacate avec ses zones de desert franches.
20 à 25 kilomètres par jour - nous avons traversé la Toscane comme si on avait avalé un TGV. Un tour de force sans jour de repos, toujours en course contre le soleil, contre la montre. 

Une vitesse de croisière d’enfer que nous devrions bientôt payer cher...  



"Il deserto Italiano"

samedi 8 août 2015

L'amitié à bicyclette

Après Mattarana - c’est toujours en grande partie la Via Aurélia pour nous, qui devient alors plus étroite et traffiquée. L’avancée devient dure. De plus, ce ont des jours de Canicule abslue. Même en se levant vers 4 heures du matin, on a que très peu de temps pour marcher avec une temperature agréable. Très vite, le soleil se lève et nous grille de son ardeur impitoyable.


Tout fleurit - sous un soleil ardent

Sur la Via Aurélia, je rencontre une jeune cycliste. Joyeuse, ouverte, elle se présente à moi comme étant Federica, passionnée du vélo. Elle m’invite tout de suite chez elle - mais voilà, elle habite Caparena, qui est à 15 Kilomètres de notre lieu de rencontre. Et il est déjà presque midi. On convient donc de se voir lendemain. 15 kilomètres, c’est une étappe de jour. Demain, je saurais donc où aller.



Federica, une passionnée de la rando à vélo.

Mais pour l’instant?  Un ouvrier m’interpelle et me dit “Vous devriez trouver un refuge sans tarder, car la chaleur va vous écraser, il est presque midi.”

On m’indiue une petite église à l’ombre de la quelle je peux monter le bivouac.

Le lendemain, la route ver Caparena est vite faite. Dans la rue, Federica nous attend.  Gamin peut aller dans un box dans l’écurie d’une amie de Federica. Et moi, je suis invitée chez elle.
Federica a deux chats, dont un petit noir qui a déjà mangé le canapé tout cru, un chat roux qui me rappelle mon Minggy - et une petite chienne nommée Dorothéa.



"La Dorothea" - le chouchou de Federica.



Le petit noir, c'est Silvestro.

Lorsque j’apprends que Federica veut aller à la mer pour prendre un bain - à Bonassola en vélo -  je l’implore de renoncer au vélo mais de prendre la voiture et m’emener avec elle.
Les lecteurs fidèles sauront déjà que je suis une inconditionelle de la baignade en mer.

Federica est prête à faire ce sacrifice. D’habitude elle prend toujours le vélo. (‘faut le faire, en plein canicule, des grimpettes, des descentes...)

Un peu plus d’une heure plus tard, nous voici en train de nager dans la mer déjà très, très rechauffée par la chaleur continue.



Le soleil tape, les falaises sont rudes, mais je suis heureuse.

Ensuite, comme il se doit, nous allons manger une glaçe.

Un magnifique après-midi - mais au prix d’une fatigue immense qui me submerge. Je n’en peux plus. Et demain, il faut se lèver très tôt, comme toujours. Alors comme souvent en ces jours, je dois renocer au repas du soir convivial. C’est très dommage, car ce serait l’occasion de partager un moment entre tout le monde réuni. Mais je n’ai pas le choix. C’est déjà assez dur de se lever à 4 heures du matin quand on se couche à 7 heures du soir, mais c’est le minimum absolu. En tout cas pour moi.

Et ainsi je dors sur la terrasse, à la belle étoile.
Chez une véritable amie.


C'est le moment de reprendre la route.

dimanche 2 août 2015

Photo de Famillie

A l'attention de Didier et Pierre ;-)

Cet article récent montre une famille qui m'a accueille il y a quelques jours. Ce sont aussi eux qui ont apellé le journaliste pour qu'il fasse cet article. Ce fut une rencontre particulièrement belle, j'e parlerai plus tard.