vendredi 25 septembre 2015

La Cabane

Nous avions quitté le beau camping à Pereto assez tôt dans la matinée, car une très longue étape dans la montagne nous attendait pour atteindre Camporotondo. Le ciel était pluvieux et un vent froid soufflait du nord.
L’automne est définitivement arrivé dans les Abruzzes. Il faudra voir à se dépêcher pour les traverser avant l’arrivée du temps vraiment mauvais.


A Pereto déjà, le temps se gâte

Gamin et moi entamions donc l’ascension. Arrivés sur le haut-plateau, nous rencontrions à nouveau des hardes de chevaux et de bovins en liberté. Il faisait de plus en plus froid et le vent augmenta. On n’avançait pas aussi vite que prévu, car les rafales nous ralentissaient considérablement. La solitude de la montagne commençait à avoir des airs menaçants, avec les nuages noirs qui gonflaient derrière les crêtes. Le doute, si on arrivait à Camporotondo avant la tombée de la nuit, s’installait.

De loin j’aperçus un troupeau de brebis, cette fois ci gardé par un berger. .Je lui demandais si Camporotondo était encore loin. Il me faisait tout de suite savoir qu’il était roumain et ne parlait pratiquement pas l’italien. Mais il pointait sur sa montre et essayait de m’expliquer que je n’arriverai pas en lieu habité avant l’obscurité. “Les loups ! Les ours!” répétait-il.



Sur le Haut-plateau

Ben,oui, je sais. Je repris la route, déterminée de nous chercher un coin pour camper.

Au loin j’aperçus un petit refuge et je décidais de monter la tente près de cette cabane. Mais avant même de pouvoir m’installer, le berger roumain, qui m’avait rattrapé, se précipita vers moi. Il a fallu du temps pour que je comprenne (à peu près) qu’il voulait que je vienne avec lui, car apparemment, il habitait dans un autre refuge un peu plus loin. “Toi Señorita seule, Loups, Ours, moi petit déjeuner, lit”.

Señorita? En effet, des peux de mots italiens qu’ils connaissait, la moitié furent de l’espagnol. Il appelait Gamin “cavallo” (cheval) et aucune tentative de ma part de corriger ça en “asino” (âne) n’était fructueuse.

Le refuge qu’il avait transformé en habitation était une petite cabane sans électricité ni eau, mais avec un cheminé à l’âtre et trois lits. Une table et une cuisinière à gaz complétaient le tout. Autour de la cabane, traînait un nombre important d’ossements. Impossible de dire si il s’agissait des restes de repas des loups ou du berger.


La cabane du berger - un refuge transformé en habitation. Au loin, Gamin.

Je préparais l’installation de la tente ce qui - comme je l’avais craigné  - contrariait fortement mon hôtelier. Il insista pour que je vienne dormir dans un des lits de la cabane.

Les lectrices comprendront peut être un peu mieux que les lecteurs si je dis que dormir dans la même pièce avec un inconnu dans la montagne solitaire, à 1500 mètres, loin de toute civilisation, ne répond pas à mes besoins de sécurité, pourtant très basiques..

Je criais donc assez fortement “Tu me laisses faire, c’est ma tente, ma maison et je veux dormir dans ma maison à moi!” 
Pendant que je déballais tout, il se mettait à fouiller mes affaires. Il s’empara du livre de Torrita Tiberina que la mairie m’avait offert et le feuilleta avec peu de délicatesse. Apparemment il ne comprit pas ce que Torrita Tiberina veut dire et insista sur une explication.
Comment expliquer à quelqu’un qui a du mal à comprendre les phrases italiennes les plus simples, ce qu’est Torrita est qu’ il est en train de maltraiter un de mes trésors affectifs les plus précieux?
Je repris le livre, le pressa contre moi tout en disant “Torrita est un village, MON village!”. Un résumé très, très grosso-modo de la vérité, mais adapté à la situation.

Je ne sais pas si il a compris, mais au moins il laissait le livre tranquille.

Le temps se gâtait. Des rafales de vent glaciales dévalaient sur la montagne et un brouillard dense et froid émergea derrière la barrière rocheuse.

J’avais froid, très froid. Le berger allumait le feu dans la cabane, ce qui m’attira vers l’intérieur. Il essaya de s’expliquer et au bout d’un moment, je crus comprendre qu’il avait été soldat de l’OTAN en Afghanistan et subi une blessure cérébrale, ce qui lui avait valu une perte de mémoire et avec ça, une perte des connaissances linguistiques.


A la cabane, le feu m'attirait irrésistiblement.

Je pense qu’il a bien dit la vérité. Il est évident qu’il n’était pas juste un “homme simple”. Il souffrait visiblement de ses déficits dont il était pleinement conscient”.

Dehors, le temps était devenu épouvantable. La nuit tomba, apportant un noir absolu. Je finis par accepter de dormir à l’intérieur. Cela le réjouissait. Il avait bien compris la nature de ma peur et répétait qu’il était “un homme bon, pas comme les italiens”. Il semble que les bombes vous font plus facilement perdre la mémoire des langues que celle des préjugés. Sic.

Il va sans dire que le lit proche du feu était bien plus agréable que l’eut été le matelas dans la tente. Mais bien entendu, je restais crispée.
Soudain on entendit un concert d’hurlements dehors. Les chiens répondirent avec des aboiements furieux. Les loups! Gamin se mit à braire à son tour. “Mon cheval, ils vont manger mon cheval!” criais-je et me relevait du lit.
Le berger enfilait sa veste et ouvrit la porte. “Non, tout va bien” me disait il. “le feu va les chasser”. Bref, on laissait la porte ouverte.

Après un moment, le berger repartit vers la porte. Il avait entendu quelque chose qui m’avait échappé. “Des braconniers” disait il. “Je vais partir, une heure”. Il s’habillait, prenait la torche et disparut dans la nuit noire et le vent.

Je ne sais vraiment pas ce qui, au final, était pire: être seule avec lui dans la cabane ou  toute seule à minuit avec dehors, les loups  - et lui en train de traquer des braconniers .

Je me blottissais sous la couverture. Eh ben, voici donc mon anniversaire ! Super !
Ben oui, mes 50 piges! .J’ai toujours eu peur que le cinquantième sera un jour de banalité morose dans la conscience que la vieillesse est arrivée et que plus rien d’intéressant ne se déroulera dans ma vie.
C’est un peu comme si l’univers m’avais dit :  “Tu veux un 50éme hors du commun? si ce n’est que ça,... te voilà servie!”

Je ne sais pas comment j’ai réussi à m’endormir, mais je l’ai fait. Je me levais à la première lueur. La pluie avait cessée, mais il faisait froid. Gamin était encore en une seule pièce et respirait. Donc, j’avais tout ce qu’il fallait pour quitter ce lieu le plus rapidement.

Le berger insistait que je lui téléphone dès que je serais à Camporotondo. Je lui disais: “Ecoute, tu vois bien qu’on a un très gros problème de communication. Ça ne ne sera pas mieux au téléphone, au contraire, alors pourquoi veux tu absolument que je t’apelle?” Il n’a pas compris mon objection ou ne voulait pas comprendre. J’ai fini par dire oui a tout juste pour pouvoir partir.

En route pour Camporotondo mes pensées tournaient autour du vécu. J’aurais peut être du être plus gentille, plus patiente. Mais moi aussi j’ai mes limites. Je n’ai pas pu. La nuit passée fut une des plus insolites du voyage, c'est certain.


Des hardes de chevaux en liberté, sur la montagne entre Pereto et Camporotondo.

4 commentaires:

  1. bonjour diana!
    tu parle de vieilliesse a un moment donné ! de quoi tu parle???? bon anniv diana !
    il avais surements quelques lacunes ! dans le fond, l'ex soldat roumain devenu berger devait etre un brave homme. je n'aurais pas pu lire ton dernier post si ce n'avait ete le cas.
    tu vas en avoir des choses a raconter dans ton prochain livre! avec du recul , tu en sourira!
    bonne route
    didier

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui, je suis égalment convaincue, qu'il était un brave homme et je retiens qu'il ne s'est jamais pyé le moindre faux geste.Ce fut pour moi avant tout le problème de communication qui 'a stressée.

      Supprimer
  2. Bonjour Diana, tout d'abord, joyeux anniversaire, non la mairie d'Harsault ne disparaîtra pas, en fait, la maire a demandé aux habitants de bien vouloir signer une pétition relative à la dotation globale de fonctionnement, ce que l'État verse aux collectivités, qui en baisse chaque année, elle va se réduire à une peau de chagrin, mieux vaut faire voler les avions "rafale" sur la Syrie à 30.000€ de l'heure, lancer des missiles à 320.000€ sur les 4/4 des djihadistes qu'aidés les communes qui crèvent sous les charges et savoir que beaucoup d'habitants, même de notre commune, ne paient pas leurs affouages, leurs factures d'eau, les factures d'ordures ménagères , ça se traduit par des pertes de trésorerie pour la commune. Cela dit, quel courage d'affronter de telles montagnes habitées par des canidés carnassiers, heureusement le berger roumain n'en est pas un !! il y avait tout de même un certain danger de l'aborder, un homme seul sachant qu'aucun secours ne serait parvenu en ce lieu!! c'était prendre un gros risque, enfin tout va bien, Gamin est en forme pour continuer la route, bon courage Diana.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, contente alors que la mairie ne dispraîtera pas. Ce aurait été grave, quand même.
      Pour les finances, c'est un cercle vicueux. J'ai moi aussi un mal fou, chaque année, à régler l'affouage, l'eau, la taxe foncière. Mais bien entendu, si in ne paye pas, la comune reste sur sa faimet ne peut pas assumer son travail.
      Si on ne veut pas se retrouver à "devoir" bombarder des djihadistes, une idée serait de ne plus livrer des arme dans la région, au préalable.
      Oui, en effet, la peur était surtout fondée sur le problème de communication et la solitude absolue. Personne dans les parages pur aider au cas où. Mais il était a
      un brave homme t un pauvre bougre, car finalement une victîme de la guerre.

      Supprimer