Après avoir fait les courses à Campomorone, nous nous dirigions à nouveau vers la montagne, à la recherche d’un lieu pour camper.
Ce fut une des journées les plus chaudes de la canicule et la grimpette devint un vrai calvaire. Heureusement, une pancarte annoncant un centre équestre, éveilla mes éspoirs. Les clubs hippiques nous ont toujours bien accueuillis.
Et l’éspoir ne fut pas vain : Encore une fois, l’esprit cavalier s’épanouissait et venait à notre salut.
Eleonora, la gérante du centre, nous invita à entrer. “mais bien sûr que vous pouvez camper chez nous - et même y passer votre journée de repos.” Une proposition plus que bienvenue, car après 6 jours d’Alta Via sans interruption, Gamin et moi étions fatigués.
Eleonara est une vraie femme de cheval : Elle insistait pour donner une douche à Gamin, dans le but de le rafraîchir. Inutile de lui dire que les ânes - contrairement aux chevaux - détestent l’eau.
Gamin eut droit à son lavage annuel. Sous le jet d’eau, il devint tout petit ; une espèce de boule de peur mouillée.
Ensuite il a été mis dans un box, où, à mon étonnement, il se plaisait très bien. Il prit plaisir à croquer du foin.
Gamin au box
Les cavaliers qui ont leurs chevaux en pension chez Eleonara sont venus les uns après les autres et nous avons passé de très bons moments conviviaux ensemble. Une vraie petite famille.
Eleonora travaille son cheval sur la carrière
Une jour plus tard, Gamin et moi nous reprendios la route. Le chemin que m’avait indiquée Google maps était assez plaisant, mais s’arrêtait peu avant le but - en pleine forêt ; détruite par un éboulement. Sans doute lors des gros intempéries qui ont saccagé la région de Gênes, l’an passé.
Aucun moyen de passer à côté ! Il fallait faire demi-tour. En tout, six kilomètres pour rien et pire encore, au moins deux heures de fraîcheur matinale de gaspillées.
Je remontais donc la route principale pour reprendre l’Alta Via, qui finalement, nous amena vers Miganego. Là, on me proposa de camper sur une petit aire de jeux en plein ville. Assez inhabituel et je ne me sentais pas vraiment à l’aise. Je m’attendais de voir les carabinieri se pointer devant ma tente à tout moment.
Mais les habitants du quartier nous accueillirent très bien. Une voisine, Martina, m’apporta à boire et à manger, prit mon linge en charge et les appareils en re-charge. Quel service! Quelle gentillesse !
Une étape plus qu’insolite!
Le lendemain, retour sur l’Alta Via. Le chemin devint plus dur, plus haut. Un petit sentier qui se faufilait sur les pentes aiguës de la montagne. Après des kilomètres de solitudes apparût une petite chapelle et quelques maisons. Je me décidais de l’arrêter à ce lieu pour la nuit.
La chapelle de Sella est dédiée aux partisans.
Au cours de l’après-midi, J’eus la visite e deux pèlerines françaises en route pour Assises qui passaient également par là. L’une après l’autre, elles firent une longue pause près de ma tente, puis décidèrent de continuer leur chemin.
Des fleurs partout
Vue sur Gênes
Le jour suivant je terminais à mon tour cette étape pour arriver à Creto, où les deux pèlerines avaient quand à elles, passé la nuit.
Il était encore tôt le matin, Gamin et moi en pleine forme et ainsi je fus confidente que nous pourrions maîtriser cette étape sans histoires en cette même journée.
Galin à Creto, dans la cour de la Trattoreria
Mais ce qui s’était déjà annoncé au jour avant - la dégradation successive de l’état du sentier, se poursuivait ici. Plus on montait, plus le chemin était étroit, caillouteux et en pente raide. Comme je ne voulais pas revivre l’horreur de la chute de Gamin dans la montagne près de Badalucco, je le débâtais avant chaque passage douteux. Passages qui se multipliaient.
Enfin, après des heures de marche et surtout d’escalade, le sentier nous lâchait sur une belle piste large en descente douce. Enfin! Il était temps. Mais après dix minutes de marche gaie, le GPS me revela la cruelle vérité : Cette piste n’était pas la bonne!
Donc demi tour vers le le croisement. Croisement? Le quel? On n’avait vu que cette piste, après tout.
Revenus sur les lieux, je vis les balises “AV” qui pointaient en montée raide vers une prairie de montagne, parsemée de rochers. Le sentier, pas plus épais que deux mains à plat, pouvait à peine être deviné dans l’herbe haute.
Les crêtes
Tant pis! Il fallait le faire. La montée était d’une raideur extrême. Gamin tombait plusieurs fois sur ses genous et rampait plus qu’il ne grimpait.
Et moi j’avancais à quattre pattes, de toute façon. Il était clair: L’Alta Via voulait nous entraîner à tout prix droit sur la crête. Vue panoramique splendide et à couper le souffle, sans aucun doute. Mais fatigués comme nous l’étions nous n’avions guère plus les yeux pour aprécier le décor.
La traversée des crêtes dura deux, trois heures. Ça n’en finissait plus. Enfin, la descente commençait. Encore plus raide que la montée et en passant par des rochers infranchissables !
Trop raide!
Je débâtais Gamin et on se frayait un chemin à travers la brousse pour contourner ce passage. Fatiguée, je fis de plus en plus d’erreurs, mettais les pieds là où il fallait pas - ce qui avait pour conséquence de me retrouver dix mètres plus bas, là où il ne faut pas non plus. Bosses et bleus se multpliaient.
Il y avait eu le moindre carré plat, j’aurais tout de suite planté la tente pour le bivouac de nuit. J’ai vraiment l’habitude de dormir dans les orties. Mais ici - pas moyen, pas la moindre place.
Il fallait tenir jusqu’à la fin de l’étape.
Enfin, la dernière descente, vers le village de La Scoffera. La plus raide. Les derniers 5O mètres...Un espèce d’escalier, - ou disons plutôt échelle collée dans la montage, précédée de trois rochers hauts er pointus. Impossible pour Gamin!
Plus bas, vers la droite, sur le balcon d’un immeuble, des gens nous observaient avec curiosité.
“Il y a un autre chemin pour descendre ?” Leur criais-je.
“Non”
J’essaiais quand même de faire le tour. Mais c’était vrai. Aucun autre chemin ne mène vers le bas. Alors il ne resta plus qu’à débâter Gamin et espérer qu’il va se faire pousser des ailes.
Je me tâtonnais vers le bas. Miracle ! Gamin prend les deux premiers rochers. Mais le troisième est le pire, car en dessous, avant d’atteindre les marches, il y a une espèce de trou vertical. Je passe, Gamin me suit - et glisse.
Il glisse vers l’avant, me percute comme un éboulement de rochers qui me cogne dans le dos - et je suis projetée vers l’avant. Je tombe, culbute et glisse 20 mètres vers le bas.
C’est comme avec les avions; ça finit toujours par atterrir, la question est juste comment.
Mon portable sonne dans ma poche et les gens de l’immeuble me demandent “ça va ? Vous vous êtes fait mail?”
“Oui”
“il faut appeler l’ambulance ?”
“Non, non”. Ca y est, je me redresse. Gamin a réussi à descendre lui aussi et broute à dix mètres de moi. Je rampe vers lui, saisis la longe et me me remets douloureusement en position verticale.
On a terriblement soif, c’est ce que je dis aux gens sur le balcon. Ils veulent bien nous donner à boire, mais ont la flemme de descendre dans la rue. Alors ils prennent une corde avec un crochet, auquel j’attache le seau de gamin. Il est monté, rempli d’eau et on me le refait descendre de cette manière. Une bouteille d’eau fraîche pour la maîtresse de Gamin est acheminée par le même système.
On me conseille d’aller voir l’église, car il y aurait un refuge pour les pélerins. Enfin une bonne nouvelle! Je saurais expliquer que je suis peleggrina moi aussi, même si “mon” saint n’en est pas un.
Sur la route je rencontre à nouveau les deux pèlerines françaises - ensemble, cette fois. Oui, elles logent aussi au refuge. Elles m’emènent avec elles et me disent de me reposer pendant qu’elles préparent à manger. Une proposition acceptée sans objection.
Depuis que je suis en voyage, je n’avais jamais eu *autant* mal au pieds. Tout tournait autour de moi et en me les massant, les larmes me vinrent aux yeux.
Les deux pèlerines, qui ont pourtant fait le même parcours ont bien meilleure mine.
“C’est parce que on est parties de Creto, alors que toi, tu devais faire le chemin depuis cette chapelle où tu as dormi jusqu’à Creto en plus” essayent elles de me consoler.
“Et nous, on avait pas d’âne auquel il fallait faire attention.”
C’est gentil, mais je je sais bien que la triste vérité est je n’ai pas la force physique des autres. L'étape Creto - Scoffera m’a montré mes limites absolues à ne pas dépasser sous aucun prétexte.
Alors que les deux pèlerines poursuivent la route au lendemain, je décide de faire une journée de repos au refuge. Gamin en sera reconnaissant lui aussi. Il s’est battu sur cette sacrée montagne en brave véritable !
Au cours de la journée, un autre pèlerin français arrive. Lui aussi sur le chemin d’Assise. Il confirme la dureté de l’étape.
Oui mais, lui, en un jour, a fait celle ci - et deux autres. 40 Kilomètres en tout ! Je tombe de nues. D’accord, c’est un ancien militaire, mais tout de même...Je me sens très petite.
Fort heureusement, ce pèlerinage n’est pas une course. Je serais dernière, comme d’habitude.