lundi 4 mai 2015

Le sentier des cailloux



Derrière le Col de Rousset, le climat change. C’est plus sec, plus ensoleilé. C’est là que commence le midi” ,m’a -t’on dit. 

Ce col serait donc un peu ce que le col du Gotthard est en Suisse. 
Une barrière entre le nord et le sud, le portail vers un autre climat.

Le matin venu, nous étions heureux de quitter notre camp froid et mouillé. 


On quitte la station de ski

Gamin avait visiblement bonne humeur, surtout lorsque le soleil se pointa derrière les cimesdes montagnes. Il me suivit d’un pas léger.
Il nous fallut maintenant prendre le chemin qui mène au dessus du col, puisque passer par le tunnel de la route n’était pas une option. (d’ailleurs je me demande si ça aurait été légal.)

Le chemin sillonnait des forêts et des prairies. Une vue magnifique s’offrait à nous, quand nous arrivions au sommet.



Mais aussitôt... le désenchantement. Le chemin descendait la pente raide, en étroits serpentins, côtoyant le vide absolu. Et voilà que revenait le vertige. Les jambes en guimauve, l’estomac qui tourne...

De plus, le sentier était caillouteux, plein de rebords et obstacles - un peu comme le satané GR de Bouvante -  en plus haut, plus découvert et donc plus dangereux.

Que faire ? Retourner à Vassieux? Toute cette marche pour rien? Et puis après, où aller?

Il n’y avait pas d’autre solution. Il fallait le faire. Lentement, je m’avançais en tâtonnant. Je me donnais l’ordre de ne regarder que mes pieds et absolument rien d’autre.

Du coup, nous nous retrouvions sur un rebord rocheux, si raide et étroit que Gamin ne voulait plus s’y aventurer. 
Je le déchargeais à moitié et c’est ainsi allégé qu’il accepta de descendre le gouffre.
100 mètres plus bas, je l’attachais à un arbre, pour ensuite remonter et  chercher les bagages. Une opération répétée plusieurs fois. 
Nous avancions 100 mètres par 100 mètres.

Un bon bout de fait de cette manière - et voilà que le fichu sentier dégénéra totalement: 
Une vaste étendue de cailloux recouvrait la pente, comme une avalanche pétrifiée. 
Dans cette mer de pierres se traçait, à peine visible, une espèce de piste. 

J’avais de fortes doutes que Gamin accepterait d’y mettre les sabots.
D’abord, il lui faudrait marcher entièrement sur des cailloux pointus et en plus, le tout était fortement instable.

A mon étonnement, il avançait. Pas à pas. 
Ça bougeait sous nos pieds, des cailloux tombaient, avec mille rebondissements, dans l’abîme.

Mais comment ais-je fait pour atterrir là, me suis-je demandée. Une situation dantesque, issue de mes pires cauchemars. La peur matérialisée d’une manière presque irréelle.

Nous arrivions enfin en bas de ce sentier d’horreur. Mais voilà: Il fallut maintenant remonter chercher les bagages.  

Je bougeais les 4 sacs marins lourds en me tâtonnant le long du mur, les fesses côté abîme. L'enjeu était de trouver un endroit stable pour le pieds, puis faire venir les sacs. Un travail de centimètres. 

Soudainement, tout bougeait, les pierres glissaient sous mes mains et mes pieds. Le coeur battait comme un tambour. Une prière rapide vers Aldo ! 

La mer caillouteuse se calma.

Venant d’en bas, j’entendis du chahut. Malgré ma consigne, je jetais un regard vers le bas : En dessous de moi, Il y avait une plateforme de vue, accessible par voiture. sur la quelle se Un groupe de gens me montrait du doigt, me prenaient en photo et s’amusaient. 

La colère montait en moi : des Gentlemen seraient venus pour m’aider au lieu de faire l’andouille. 

Mais un instant plus tard, je comprenais: Si ils ne montent pas, c’est parce que ils n’en sont pas capables.

Ils ont transporté leurs culs de feignasse en bagnole jusqu’à cette plateforme pour pouvoir prendre la vue majestueuse en photo, c’est tout. 
Pas question d’effort physique. Et moi, je n’étais qu’une attraction de plus.

C’était là tout le symbole de ma vie : Emprunter des chemins que personne d’autre prend. Le regard méprisant des autres n’a rien de légitime, ce n’est pas moi qui suis inférieure, c’est eux qui ne sont pas à la hauteur (au sens propre du mot).

Je ne me suis pas ”égarée” sur cette pente. Je suis là, parce que je sais le faire. Et eux, non.

Je n’avais alors plus peur. C’était mon chemin, je pouvais le maîtriser. 
Et j’arrivais en bas.

Lorsque je rechargeais Gamin, le groupe des “voyeurs” de la plateforme s’avança vers moi. “Je n’aime pas les ânes, ils sont moches”, disait l’un à voix basse.

Maintenant il nous fallait descendre la longue route en serpentines jusqu’à Chamaloc. Au chaque tournant, les arbres devenaient plus verts.



Les Pins e multipliaient et il y avait dans l’air cet incomparable esprit du midi. 
Nous avions vraiment franchi “La barrière”.



Donc au final, je l’ai tout de même eue, l’experience “gotthardienne”.

Chamaloc est un village vraiment typique du midi. Un champ de lavande nous accueille l’arrivant. 
Une famille nous accordait la permission de camper dans leur joli jardin.



Un regard en arrière vers le Vercors...
ô belle forteresse de rochers, sauvage et dangereuse. Les jours passées avec toi furent durs, très durs, mais tu as repoussé avec vigueur mes frontières intérieures, réveillant un potentiel en moi dont je ne savais pas qu’il existait. Tu m’a donné de la confiance en moi-même et beaucoup de force.
Ne te laisse jamais apprivoiser par les hommes.

Sur le sentier même je n’ai pas pu faire des photos, mais un peu plus loin, sur la route, j’ai pu prendre ce cliché du “lieu du drame”.

La flèche du haut indique le sentier, la flèche du bas la plateforme.


2 commentaires:

  1. Bravo Diana, je suis votre périple, y a-t-il un homme qui serait capable de réaliser un tel périple parmi la rocaille, les obstacles qui sont les aléas de ce pèlerinage. Vous êtes courageuse! une satisfaction Gamin a de l'herbe tendre tandis que sa maîtresse se régale de bonnes cerises croquantes.Bon courage pour la suite. Pierre Broggini, Harsault.

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    1. Merci beaucoup pour votre message, Pierre! Ca fait très plaisir est est très encourageant.

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