Alors que ma “mission” en France consistait surtout à rappeler aux gens qui était Aldo Moro - voire carrément leur en apprendre l’existence, il en est tout autre en Italie.
Je m’étais souvent posé la question comment Aldo est perçu dans l’Italie actuelle. Se souvient-on de lui ? Est il bien ou mal vu?
Bien entendu, un homme politique sera toujours controversé, mais quelle est la perception moyenne ?
Aldo Moro 1916 - 1978
Il est certainement trop tôt pour tirer un bilan définitif, puisque je me trouve qu’au début de la traversée de la botte, en Ligurie. Il y aura encore bien des régions et des provinces à découvrir. Mais l’expérience faite jusqu’à ce jour donne une image surprenante : Aldo suscite une émotion de tendresse spontanée et remarquable chez de nombreux citoyens.
Après la traversée de la Montagne entre Bajardo et Badalucco, je me dirigeais vers un restaurant au bord de la route, sachant très bien que ce ne serait pas chez eux que je pourrais camper. Mais en général, c’est dans ces établissements qu’on reçoit les renseignements utiles quand à qui s’adresser.
La porte de la cuisine était entrouverte. La patronne y discutait vivement avec un vendeur ambulant, tout en refusant de lui prendre quoi que ce soit. Le garçon et l’aide cuisine m’aperçurent et venaient vers moi, tout enthousiastes. Je leur exposais ma situation et ils appelaient la patronne. Celle-ci, encore enervée par la visite du colporteur, m’inspectait avec un œil méfiant.
“Elle va jusque dans les Pouilles” lui disait le garçon.
“Et pourquoi vous faites ça ?”
Avant que je ne puisse répondre à la question de la Capo, le garçon intervenait :”Elle fait ça pour Aldo Moro”
En ce même moment, le visage de la patronne changea du gris-méfiant au rose-radieux.
“Bon, va lui chercher une bouteille d’eau fraîche!”
A sa demande si j’avais faim, je diais “oui”.
Elle se dirigea alors vers un plat prêt à servir, versa le contenu dans un carton thermo et me passa le tout: “Tenez, Le client attendra” disait elle. “Allez vers Badalucco, ce n’est plus tès loin. Vous y trouverez un coin pour la tente. C’est très, très beau ce que vous faites pour Moro.”
Le chemin vers l'église de Badalucco
Sur le caming “Bella Vista” où Gamin fut la star du soir et entouré par tous les voisins on me demanda évidement aussi “pour quoi, pour qui.” Suite à ma réponse, des visages incrédules ;
“Pour Aldo Moro? Pour *notre* Aldo Moro?”
“Oui, pour votre gentil Aldo Moro”
Gamin, Star du "Bella Vista Campeggio"
Dans l’espace de quelques minutes, on me passa un saucisson, un plat de spaghettis, de la limonade et un verre de vin. Des hommes m’aidaient à planter la tente - bref, j’étais traitée comme une reine.
Quand à Gamin, au moins dix mains à la fois lui tendaient des carottes et autres friandises.
Une autre fois, sur la route au bord de la mer, un cycliste s’arrêta.
Vif d’esprit, il avait vu mon T-Shirt avec la photo d’Aldo, le bâton de marche et l’âne et tiré la bonne conclusion : “Vous faites un pèlerinage pour Aldo Moro? C’est pas vrai, non ?”
”Si, exactement.”
Il descendit du vélo, me tendait la main, visiblement ému
“Que Dieu vous bénisse. IL a été victime d’hommes extrêmement méchants. Merci de faire ça pour lui”
Une phrase que j’entends assez souvent est: “Le seul et unique politicien honnête du pays”.
Italie est un pays avec une population majoritairement dégoûtée par la politique. On se souvient d’Aldo Moro avec un mélange de tristesse et de sensation de culpabilité diffuse, sachant que malgré tout, on l’oublie trop souvent.
Piazza Aldo Moro à Noli
On me raconte que certains hommes politiques actuels essayeraient de copier la douceur d’Aldo afin de paraître plus attractif, (et en même temps intègre) mais que cet artifice est plus répugnant qu’autre chose.
Une grandie partie des gens est absolument persuadé qu’ Aldo Moro fut victime d’un complot d’extrême droite qui, en collaboration avec la CIA à la solde de Kissinger avait infiltré les Brigades Rouges afin de liquider Moro et ainsi d’empêcher son “Compromiso storico”, le compromis historique qui prévoyait une alliance de son parti avec les communistes de Berlinguer.
Ce qui n'a jamais été
Le "Ce qui aurait pu être, si..." plane un peu sur le pays, surtout en ces jours.
Le gouvernement du "compromiso storico" sous Moro-Berlinguer aurait-il été couronné de succès ? Une innovation ? Un véritable nouveau chemin qui aurait libéré le meilleur des deux pour le salut du peuple ?
Ou (plus probablement) cette alliance "impossible" se serait effondrée peu après sous la charge de disputes et querelles sans fin. Nous ne le saurons jamais. Reste un rêve qui a été noyé dans le sang avant même d'avoir reçu au moins une petite chance de devenir réalité.
En pensant à "mon et à leur Aldo".
salut Diana
RépondreSupprimerton périple va prendre plus d'ampleur que tu n'aurais pensé !
leur accueil et le fait qu'Ado soit toujours dans leurs grands cœur, doivent te toucher!
je ne connaissais pas particulièrement la vie et la triste fin de (leur) Aldo! tu dois bien penser que maintenant , je me suis documenté !
mon père est Italien ! ma mere de père Italien !!
je le suis donc un peu !!!
tres heureux de suivre ton parcourt !
prend soin de toi et de gamin!
PS si tu vois une ferrari qui traine sur le bord de la route, tu me la récupère !!!
didier
C'est entendu Si par hasard, je trouve une ferrari aadonnée, je te l'envoye ;-) Oui, dans ce cas tu as des otes souches italiennes. En eft, je suis très suprise et heureuse à quiel point, Aldo est toujours dans leurs coeurs; On se sent moins seule.
SupprimerBonjour Diana,
RépondreSupprimerJ'envoie l'article ce soir; Il devrait passer en début de semaine ..
Etes-vous toujours à Badalucco ? Ce vilalge semble bien pittoresque, mais tout en hauteur ...
Ici, le soleil est là. On en profite !
Bon week-end,
Maryse Doux
Merci, Maryse! Je me réjouis déjà de l'article. Une fois l'Alta Via faite, j'en ferai un à ce sujet. Ce chemin de longue randonnée est spectaculaire.
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